Dans une interview accordée à RT en français, Philippe Kalfayan, docteur en droit international et analyste des relations internationales, a expliqué quel est le contexte politique derrière l'arrestation de Samvel Karapetian, homme d’affaires russo-arménien et président du groupe Tashir, spécialisé dans la construction. Selon Kalfayan, sont concernées à la fois la politique intérieure et la politique étrangère de l'Arménie. « Sur le plan intérieur, le Premier ministre de la République d'Arménie [Nikol Pachinian] a donc, depuis août 2018, essayé de prendre le pouvoir dans tous les domaines », estime-t-il, soulignant que le pouvoir législatif « est déjà sous le contrôle » de Nikol Pachinian. « Il a donc procédé aux purges nécessaires au niveau des systèmes judiciaires des juges, y compris de la Cour constitutionnelle », a-t-il souligné, précisant qu'aujourd'hui, « il n'existe plus d'État de droit en Arménie ».« Le débat démocratique n'existe plus non plus parce que son parti, le parti donc au pouvoir, détient plus des deux tiers du Parlement », a indiqué Philippe Kalfayan. Pour lui, la minorité parlementaire, « quoi qu'elle propose, y compris des débats parlementaires », se voit « systématiquement » réfutée par le parti au pouvoir.Philippe Kalfayan a noté que le Premier ministre arménien s'en prend également à l'Église apostolique arménienne et à ses représentants, soutenus par Samvel Karapetian, ainsi qu'aux institutions qui dirigeaient la diaspora. Il a également souligné que « les forces de police ont procédé à des arrestations massives de militants qui protestaient pacifiquement dans la rue » contre toute concession qui pourrait être faite à l'Azerbaïdjan et à la Turquie lors de la visite de Nikol Pachinian à Istanbul. Les conclusions sont pour lui limpides : « il y a une dérive antidémocratique, assez marquée en Arménie contre toute forme d'opposition ».Philippe Kalfayan a émis l'hypothèse que Samvel Karapetian aurait pu être arrêté en raison de son opposition à l'intention du Premier ministre arménien de nationaliser le réseau électrique arménien. « C'est un peu surprenant que cette annonce intervienne en même temps que l'arrestation de Samvel Karapetian, parce que c'est une entreprise privée. Comment le gouvernement peut-il décider du jour au lendemain de nationaliser, et même de menacer les employés de cette entreprise privée d'être licenciés s'ils participaient à des manifestations de protestation contre l'arrestation du dirigeant ? », a-t-il indiqué, expliquant que l'intérêt pour la compagnie d'électricité pourrait s'expliquer par le fait que « l'économie arménienne va mal », alors que la dette publique arménienne « est en train d'augmenter ».L'UE est intéressée par l'arrestation de Karapetian en raison des actifs russes gelés, estime KalfayanUne autre raison de l'arrestation de Samvel Karapetian pourrait être liée à la plainte déposée par le président arménien contre la France concernant la saisie de ses biens immobiliers sur la Riviera française.« Cela permet au gouvernement arménien de se débarrasser d'un mécène important en Arménie qui soutient un tas de projets économiques, qui soutient toute une série de projets sociaux, donc une aide directe à la population, y compris à la population réfugiée dans le Karabagh. Donc ce serait l'intérêt de l'Arménie de se débarrasser de quelqu'un qui finalement, à cause de sa richesse, de son pouvoir charismatique, gêne les projets politiques de Pachinian », a-t-il évoqué.Philippe Kalfayan suppose que cela pourrait aussi « servir les intérêts de l'État français, en éliminant cette menace d'actions en justice de Karapetian contre l'État français », notant que cette action de la France contre les propriétés immobilières de Karapetian semble directement liée aux saisies des avoirs russes, « notamment de la société Gazprom qui fait partie de la liste noire ».Le 18 juin, un tribunal d'Erevan a ordonné le placement en détention provisoire de Samvel Karapetian pour une durée de deux mois. Il est accusé d'« appels publics à la prise du pouvoir » après avoir fait une déclaration publiquement en faveur de l'Église apostolique arménienne, en conflit ouvert avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian. La Russie a affirmé qu'elle « suivait de très près » la situation concernant l'arrestation du milliardaire, soulignant que Moscou était prête à lui apporter « toute l'assistance nécessaire en tant que citoyen russe ».