World: Monde. L’absence de consultation des peuples autochtones sur les futures pandémies aura un impact encore plus néfaste sur l’éducation des enfants

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Countries: China - Taiwan Province, Democratic Republic of the Congo, India, Kenya, Mexico, Nepal, Russian Federation, Uganda, World Source: Amnesty International L’absence de consultation des gouvernements des différents pays auprès des populations autochtones sur les fermetures d’établissements scolaires et les autres réponses d’urgence à la pandémie de COVID-19 a porté atteinte à leurs droits et les enfants continuent d’en ressentir les effets cinq ans après le premier confinement mondial, indique Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public vendredi 28 février.Des dirigeant·e·s autochtones interrogés par Amnesty International pour ce rapport, intitulé Le consentement des peuples autochtones est-il vraiment respecté ?, ont fait état d’augmentations nettes et prolongées des taux d’absentéisme et d’abandon scolaire, de plus de 80 % dans certains cas, chez les enfants autochtones dans plus de 10 pays. Des dirigeant·e·s et des militant·e·s autochtones ont par ailleurs exprimé leurs préoccupations quant à la réponse des autorités aux besoins des enfants autochtones en termes d’enseignement pendant la pandémie, souvent discriminatoire, parcellaire ou inexistante, qui aurait aggravé les inégalités subies depuis déjà longtemps par les populations autochtones – en particulier pour les filles et les enfants en situation de handicap. L’organisation demande que les peuples autochtones soient désormais consultés en cas de futures pandémies.« Les dirigeant·e·s et militant·e·s autochtones avec qui nous avons parlé se sont sentis complètement ignorés par les gouvernements pendant la pandémie, qui a eu un impact durable et néfaste sur leurs droits et leurs perspectives, a déclaré Chris Chapman, chercheur à Amnesty International sur les droits des peuples autochtones.« Ils ont souligné que les solutions d’enseignement à distance étaient souvent inaccessibles pour les enfants autochtones. Ceux vivant dans des zones rurales, où les communautés autochtones étaient souvent privées d’appareils et équipements, de connexion Internet, d’électricité et des connaissances ou compétences technologiques nécessaires pour participer à des cours en ligne ou à de l’enseignement à distance, ont été les plus touchés. »Lorsque des solutions plus traditionnelles comme des supports imprimés ont été proposées aux autres groupes de population, des communautés autochtones de plusieurs pays ont indiqué qu’on les avait oubliées ou ignorées, ou qu’on leur avait demandé de payer pour en bénéficier.La militante autochtone Sylvia Kokunda a déclaré : « La plupart du temps, les ressources [d’apprentissage] étaient distribuées par les autorités locales, car il était souvent plus facile pour les chefs de village d’identifier les personnes appartenant à cette communauté. Cependant, les représentants locaux du gouvernement refusaient de donner ces ressources aux Batwas, les transmettant seulement aux membres de leur propre communauté. »Les contenus éducatifs diffusés à la radio et à la télévision pendant la pandémie étaient souvent indisponibles dans les langues autochtones. Selon un militant ogiek, bien que la radio de langue ogiek Sogoot FM 97.1 ait été utilisée pour atteindre ce peuple autochtone et l’informer au sujet du COVID-19 et de ses conséquences, elle ne l’a pas été pour donner des cours aux plus jeunes.Le rapport d’Amnesty International s’appuie sur des données et sur plus de 80 entretiens ou réponses recueillies pour étudier l’impact des fermetures d’écoles liées à la pandémie sur les élèves autochtones dans le monde, notamment en Inde, au Kenya, au Mexique, au Népal, en Ouganda, en République démocratique du Congo, en Russie et à Taiwan. Environ 476 millions de personnes autochtones vivent dans plus de 90 pays, appartenant à 5 000 groupes autochtones différents et parlant plus de 4 000 langues.Technologies, discrimination et taux d’abandonLorsque les familles autochtones avaient un accès limité aux technologies pour l’enseignement à distance pendant la pandémie, la priorité a souvent été donnée aux garçons.Des militantes autochtones népalaises ont expliqué : « Si certaines familles possèdent un téléphone portable, seulement une ou deux personnes s’en servent. Et s’il y a plus d’enfants dans la maison, l’un d’entre eux doit sacrifier son éducation. Or, lorsqu’on en arrive là, les filles sont les premières sacrifiées. »Même si les élèves disposaient de matériel utilisable pour l’enseignement à distance, leurs familles étaient souvent dans l’incapacité de payer suffisamment de données mobiles. En outre, l’enseignement à distance était rarement assuré dans les langues autochtones.Les enfants ayant des difficultés d’apprentissage ou un handicap nécessitant un enseignement spécialisé, par exemple en langue des signes ou en braille, ont souvent été privés d’enseignement pendant la pandémie, y compris dans les communautés autochtones.Les personnes interrogées dans de nombreux pays ont indiqué qu’il n’existait guère ou pas du tout de suivi gouvernemental ou d’évaluation de l’efficacité des initiatives d’enseignement alternatif pour les communautés autochtones. Les informations sur les modalités d’accès aux enseignements quand les écoles étaient fermées – elles le sont restées plus de 18 mois dans certains pays – étaient rarement disponibles dans les langues autochtones.Les garçons qui ont commencé à travailler en tant qu’ouvriers agricoles ou chauffeurs de moto-taxi afin de gagner de l’argent pour eux-mêmes et pour leurs familles ont également abandonné l’écoleUn militant autochtone du KenyaLes élèves n’ayant pas eu accès à l’éducation ou presque pendant la pandémie ont souvent travaillé à la place, sans reprendre leur scolarité quand les établissements ont rouvert. Ceux qui sont retournés à l’école après la réouverture ont souvent constaté qu’ils avaient pris du retard sur leurs camarades. Dans ce cas, s’ils ne voulaient pas redoubler une année ou ne pouvaient pas se le permettre financièrement, ils ont également abandonné leur scolarité.Au Kenya, la majorité des abandons scolaires d’élèves ogieks ont eu lieu chez les filles, en particulier celles qui sont tombées enceintes pendant la pandémie de COVID-19 ou qui ont été contraintes à un mariage précoce. Cependant, les garçons ont également été touchés. Un militant autochtone du Kenya a déclaré : « Les garçons entre 12 et 18 ans qui ont commencé à travailler en tant qu’ouvriers agricoles ou chauffeurs de moto-taxi afin de gagner de l’argent pour eux-mêmes et pour leurs familles ont également abandonné l’école. »Dans de nombreux pays, certains établissements scolaires n’ont jamais rouvert, si bien que l’accès à l’éducation a été encore plus réduit qu’avant pour les enfants autochtones, selon des militant·e·s autochtones.Interrogé sur les constatations d’Amnesty International, le gouvernement mexicain a affirmé avoir répondu au « défi sans précédent de la pandémie de COVID-19 » en collaborant avec des écoles et des enseignant·e·s autochtones pour mettre en place une série de mesures comprenant la diffusion de supports dans cinq langues autochtones, parfois en format papier lorsque l’accès à Internet ou à du matériel était limité, la création de nouveaux supports numériques d’enseignement et le renforcement des capacités pour que les établissements et les parents d’élèves puissent utiliser des plateformes numériques.Recommandations« Il faut maintenant beaucoup plus de ressources pour garantir, rétablir et améliorer l’accès à l’éducation et les droits des populations autochtones, a déclaré Chris Chapman.« Les États doivent collaborer avec les communautés autochtones pour rétablir et renforcer immédiatement le droit à l’éducation pour tous les enfants autochtones, notamment en mettant l’accent sur la rescolarisation des filles autochtones et des élèves autochtones en situation de handicap. »Amnesty International accompagne le rapport d’un guide destiné aux chercheurs et chercheuses qui souhaitent savoir dans quelle mesure le droit fondamental de participation effective à la prise de décisions a été enfreint, en particulier pour les communautés autochtones.« Les gouvernements doivent consulter les peuples autochtones sur les mesures de réponse à la pandémie de COVID-19 et les autres mesures d’urgence sanitaire qui sont prises, sous peine de risquer une violation de leurs droits d’être consultés et de donner ou de refuser leur consentement pour les décisions qui les concernent. Nos recherches mettent en évidence les risques qu’implique la non-prise en compte des réalités, des cultures et des droits des peuples autochtones, a déclaré Chris Chapman.« Tandis que notre rapport expose d’une part l’impact dévastateur de ce manque d’inclusion, nous espérons d’autre part que le guide d’Amnesty International permettra que les peuples autochtones soient intégrés à l’avenir dans les discussions qui les concernent. Chaque enfant a droit à un enseignement primaire gratuit et de qualité. Par conséquent, les États doivent veiller à ce qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte. »