VSA : le gouvernement veut encore prolonger « l’expérimentation » de deux ansIl y a parfois des embouteillages dans le calendrier. Fin janvier, nous avons gagné le contentieux qui nous opposait à la commune de Moirans : le logiciel Briefcam qu’elle utilisait pour surveiller les rues de la ville était reconnu comme étant illégal par le tribunal administratif. Quelques jours plus tard, on découvrait que le gouvernement voulait profiter d’une loi sur les transports pour prolonger « l’expérimentation » de la VSA – qui devait finir en mars 2025 – jusqu’en décembre 2027. Deux ans et demi de plus, hop. Circulez, c’est la loi Transports.Nous avons aussitôt publié un coup de gueule pour dénoncer le foutage de ladite gueule. La loi Jeux Olympiques prévoyait un déroulement très strict de « l’expérimentation » de la VSA, avec des bornes dans l’espace et dans le temps, un comité de pilotage pour l’encadrer, et un comité d’évaluation pour juger de son efficacité. Le gouvernement veut déjà aller plus loin, sans attendre le rapport d’évaluation et sans attendre la fin du processus écrit noir sur blanc dans la loi. Ces lois qui empêchent de faire ce qu’on veut, c’est vraiment pénible… Mais on sait le peu de cas que fait Monsieur Retailleau de l’état du droit.Ironie du sort ou coïncidence merveilleuse : le jour-même où nous avons publié cet article coup de gueule, le rapport d’évaluation de l’expérimentation, qu’on attendait depuis des semaines et des mois, était enfin rendu public en fin de journée. Bourré d’anecdotes rigolotes (les logiciels arrivent même à prendre le trottoir pour une personne allongée), le rapport conclut globalement à une certaine inefficacité des outils et des scénarios testés. Alors, que faire ? Tester plus fort. « Plus ça rate, plus on a de chance que ça marche, ce n’est qu’en essayant continuellement que l’on finit par réussir », disaient les Shadoks, qui avaient sans doute d’excellents ministres de l’Intérieur.Le régime de « l’expérimentation » est en effet une chose très pratique, quand on veut travailler « l’acceptabilité sociale » d’une mesure de surveillance a priori impopulaire. D’abord, elle permet de mettre en œuvre la mesure impopulaire tout en racontant qu’on ne la met pas vraiment en œuvre. Ensuite, on peut la prolonger autant de fois que nécessaire, sous prétexte d’améliorer les résultats de l’expérience. Pourquoi s’en priver ? « Tout le monde ment, tout le monde ment, le gouvernement ment énormément », chantait Massilia Sound System dans le pays qui a aussi inventé les Shadoks et la VSA « expérimentale » pendant trois ans..Notre article sur la prolongation : VSA jusqu’en 2027 : quand le gouvernement ose toutCoalition Hiatus : penser l’IA et résister à l’IAVous le savez sans doute, parce que l’événement a saturé les médias pendant deux jours : un « Sommet de l’IA » s’est tenu à Paris les 10 et 11 février derniers, sous la présidence d’Emmanuel Macron, qui a pu annoncer triomphalement à l’issue du barnum que 109 milliards d’euros de financements privés (en grande majorité) et publics (un peu) seraient consacrés au développement de l’IA en France, d’abord pour la construction de nouveaux centre de données démesurés. La France n’a pas de gaz ni de pétrole, mais elle a de l’électricité nucléaire en assez grande quantité pour pouvoir en exporter, ou pour en consacrer à des projets inutiles et à la mode.On serait bien en peine de dire à quoi va servir toute cette capacité de calcul, ni à quoi « l’IA » va servir, ni même de quelle « IA » il s’agit. Le mot et devenu un signifiant autonome, qui renvoie dans l’imaginaire collectif aux grands LLM génératifs (Chat-GPT, MidJourney, etc.), qui sert à désigner tout et n’importe quoi, et qui pourrait dans bien des cas être remplacé par « numérique », « ordinateur » ou « informatique » sans changer le sens de la phrase. Seule certitude, le mot « IA » est devenu dans le monde entier un symbole de pouvoir et de puissance nationale, économique et géo-stratégique. L’IA est américaine, elle est chinoise, elle est russe, et elle doit nécessairement devenir européenne et surtout française (cocorIAco ?).De fait, la démesure de moyens techniques et financiers qu’elle requiert font que l’IA, avant d’être un moyen de pouvoir, est d’abord une preuve de pouvoir. Accessible uniquement aux puissances financières et industrielles, elle servira donc d’abord les intérêts des puissances industrielles et financières. La bulle spéculative qui l’entoure s’accompagne d’une surenchère dans les façons de l’utiliser, qui vont de l’armement autonome jusqu’au matraquage publicitaire en passant par la manipulation de l’information, dans un continuum de destruction des ressources, des liens sociaux, des esprits et des démocraties. Tout cela parce qu’on peut le faire, sans jamais se demander – ni demander aux populations – si on veut le faire.Cet emballement serait risible s’il n’était pas intimement lié à la montée du péril fasciste, plus d’actualité que jamais depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, entouré de tous les faiseurs d’IA californienne lors de sa cérémonie d’inauguration, et dont les bras droits (tendus) font la promotion des partis d’extrême-droite partout où ils le peuvent, en Grande-Bretagne et en Allemagne notamment. Le monde de « l’IA » est un objet éminemment politique, qu’il faut mettre à distance, analyser, dégonfler et expliquer. C’est pourquoi La Quadrature a signé une tribune collective contre ce « sommet de l’IA », et décidé de lancer Hiatus, une coalition de réflexion et de travail sur le monde politique et industriel de l’IA pour le pouvoir. Une initiative que nous avions annoncée comme étant le grand chantier de cette année, dans le prolongement de nos réflexions et de nos combats de toujours : pour un usage émancipateur et démocratique du numérique, contre le numérique qui asservit, domine, surveille, impose, décide et contrôle. Au travail !Manifeste de la coalition : Lancement de la coalition Hiatus, pour résister à l’IA et son monde !Tribune collective : L’IA telle qu’elle est développée alimente un système d’exploitation globalArticle sur le sommet de l’IA : Sommet de Paris sur l’IA : accélérer, quoi qu’il en coûteCampagne de soutien 2025Notre campagne de soutien pour 2025 est toujours ouverte ! Nous avons récolté environ 40% de notre objectif pour l’année. En prenant en compte les dons mensuels, on arrivera environ à 70% de l’objectif. Aidez-nous à boucler le budget 2025 ! Vous pouvez nous faire un don sur notre site.Agenda25 février 2025 : Journée d’étude