Alors que le cessez-le-feu à Gaza demeure précaire, la Knesset a adopté, lundi 10 novembre, deux textes symboliques d’un glissement sécuritaire sans précédent. Sous la pression de son aile ultranationaliste, le gouvernement de Benjamin Netanyahou a validé en première lecture une loi imposant la peine de mort obligatoire pour les « terroristes » palestiniens, et une autre accordant au pouvoir exécutif le droit de fermer des médias étrangers sans décision judiciaire.Ces mesures, encore en débat, traduisent la victoire idéologique de l’extrême droite religieuse sur le Likoud, et la marginalisation des voix modérées au sein de la coalition.Le premier texte, porté par Limor Son Har-Melech et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir (Otzma Yehudit), vise à permettre l’exécution de tout Palestinien reconnu coupable du meurtre d’un Israélien « dans le but de nuire à l’État d’Israël ». Longtemps réticent, Benjamin Netanyahou a fini par se rallier, cédant au chantage politique de ses partenaires extrémistes qui menaçaient de faire tomber son gouvernement.Le virage extrême de l'État hébreuActuellement, la peine capitale n’est possible qu’en cas de trahison ou de crimes de guerre nazis, et n’a été appliquée qu’une seule fois, contre Adolf Eichmann en 1962. Ce nouveau texte abaisse le seuil judiciaire, autorisant une majorité simple de juges militaires à prononcer la mort, supprimant toute prise en compte de circonstances atténuantes.La presse israélienne s’est émue de cette évolution : Haaretz parle d’une « tache indélébile sur l’État d’Israël », tandis que les partis d’opposition, notamment celui de Yaïr Lapid, dénoncent une loi « raciste et inefficace » qui alimente le cycle de vengeance et accentue la fracture entre Israéliens et Palestiniens.Le second texte, adopté le même soir, autorise le gouvernement à fermer ou bloquer tout média étranger sans l’autorisation préalable d’un tribunal. Il institutionnalise le décret provisoire de 2024, surnommé « loi al-Jazeera », qui avait servi à interdire la chaîne qatarie, accusée de propagande pro-Hamas.Le projet, défendu par le ministre des Communications Shlomo Karhi, donne désormais au Premier ministre le pouvoir de couper les signaux satellites ou de saisir du matériel journalistique. Des juristes de la Knesset ont mis en garde contre une législation « anticonstitutionnelle », supprimant toute garantie judiciaire et ouvrant la voie à la censure politique. L’opposition y voit une attaque frontale contre la liberté de la presse et un pas de plus vers l’étatisation de l’information.Ces votes surviennent alors que les États-Unis pressent Israël d’autoriser de nouveau les journalistes étrangers à entrer dans la bande de Gaza, une exigence appuyée par les Nations unies et plusieurs ONG. Selon le Times of Israel, l’administration américaine s’inquiète d’une « opacité croissante » des opérations militaires et humanitaires.Le média Yediot Aharonot a révélé la mise en place par Tel-Aviv d’une « guerre de l’information coordonnée » pour contrer les images de la souffrance civile à Gaza, accusées de nourrir la critique internationale. Avec ces deux lois, Israël entérine un virage autoritaire inédit depuis sa fondation. L’État hébreu, né en démocratie, se débat désormais entre impératif sécuritaire et dérive identitaire, au risque de fracturer durablement sa société et d’isoler son gouvernement sur la scène internationale.