Jeux Olympiques 2030 : vous reprendriez bien un peu de VSA ?

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La lutte contre la vidéosurveillance algorithmique (VSA) est une bataille de longue haleine. L’expérimentation officielle, menée au prétexte des Jeux Olympiques, s’est pourtant achevée fin mars et a été émaillée de multiples défaillances. En parallèle, les luttes locales s’intensifient dans les villes où ces logiciels sont déployés illégalement. Le gouvernement veut pourtant remettre une pièce dans la machine. Ainsi, le projet de loi sur les Jeux Olympiques d’hiver 2030 propose de repartir pour un tour d’expérimentation de deux ans. Le texte a déjà été examiné au Sénat et devrait arriver à l’Assemblée Nationale à la rentrée. Une pierre de plus à l’édifice de la surveillance algorithmique de l’espace public…Surveiller à tout prixIl y a deux ans déjà, nous luttions contre la loi relative aux Jeux Olympiques de 2024. Elle prévoyait, pour la première fois en Europe, le déploiement de logiciels de reconnaissance de comportements en temps réel dans l’espace public. Adopté au printemps 2023, ce texte a autorisé la police, la gendarmerie et les opérateurs de transports à utiliser les logiciels d’entreprises privées de VSA pendant plus d’un an et bien au-delà des seuls Jeux d’été. Ces algorithmes ont analysé les foules lors de concerts, matchs de foots, fêtes de la musique et autres événements publics au gré des envies des pouvoirs publics. Ce premier round s’est achevé le 31 mars 2025 avec, à la clé, une évaluation officielle qui faisait état des résultats peu probants, pour ne pas dire que la VSA n’avait servi à rien du tout. Mais le gouvernement, déterminé à imposer la surveillance automatisée et la reconnaissance faciale, ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin. Plutôt que de conclure à l’abandon de ces logiciels, il persiste, espérant que ces systèmes finissent par fonctionner un jour. Au mois de février dernier, le ministre des transports tentait ainsi un coup de force à l’Assemblée en faisant voter un amendement qui prolongeait l’expérimentation jusqu’en 2027 dans une loi qui n’avait rien à voir. Raté ! Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif et l’a censuré.Face à cet obstacle, les promoteurs de la Technopolice se devaient de trouver une manière de revenir à la charge. Et quoi de mieux que de tenter une combine qui a déjà marché ? Les Jeux d’hiver de 2030, qui auront lieu dans les Alpes, sont ainsi apparus comme une parfaite excuse pour légitimer une nouvelle salve d’expérimentations. A l’instar des Jeux de 2024, le gouvernement utilise la dimension exceptionnelle de ce méga-événement sportif pour mettre en oeuvre une politique prétendument expérimentale et donc socialement plus acceptable. Comme le théorise le chercheur Jules Boykoff, les Jeux Olympiques agissent comme un accélérateur de politiques exceptionnelles. Ils prennent appui sur un moment de fête ou de spectacle, par essence « extra-ordinaire », où les règles politiques peuvent être temporairement suspendues, pour faire progresser des politiques qu’ii aurait été impossibles de mettre en place en temps normal. Minimiser pour mieux forcerPour prolonger l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique, le projet de loi déposé par le gouvernement relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 prévoit ainsi un article 35 expéditif : « L’expérimentation mise en œuvre sur le fondement de l’article 10 de la loi [relative aux JO 2024] est reconduite, dans les mêmes conditions, jusqu’au 31 décembre 2027. »La stratégie mise en oeuvre ici est de prétendre que cette pérennisation serait indolore et presque anodine puisqu’il n’y a aucune modification du cadre légal. Il s’agirait uniquement de prolonger les « petites expériences » de la police. Telle est notamment la position du Conseil d’État. Consulté pour avis, il estime « que la reconduction pure et simple du dispositif, contraignant mais protecteur, auquel il a déjà donné un avis favorable (…) et que le Conseil constitutionnel a expressément reconnu comme conforme à la Constitution (…) répond de manière adéquate au bilan de l’évaluation et permettra, au terme de cette période, de décider de l’abandon ou de la pérennisation de la technique ». Rappelons que le choix de poursuivre ou non devait initialement être fait en 2025 et qu’avec cette logique, il serait possible « d’expérimenter » à l’infini.La CNIL, elle, n’a même pas été sollicitée pour avis, ce qui illustre une nouvelle fois le peu d’égard que lui accorde le gouvernement. Pourtant, si la loi était votée en l’état, des dizaines et dizaines d’utilisations de la VSA, voire des centaines, pourraient être mises en oeuvre dans les rues de France, d’ici à la fin de l’année 2027. La loi de 2023 permet en effet que cette technologie de surveillance de masse puisse être utilisée pour tout événement récréatif, sportif ou culturel, sur simple autorisation d’un préfet. Lors du passage du texte au Sénat, les parlementaires ont d’ores et déjà étendu le périmètre des personnes pouvant utiliser le dispositif de VSA aux simples agents municipaux chargés du visionnage des images de surveillance, donc potentiellement à toutes les villes de France équipées de caméras.De plus, si le cadre juridique de 2023 limitait le déploiement d’algorithmes à huit cas d’usage, les volontés d’étendre l’expérimentation à davantage de situations est sur toutes les lèvres des promoteurs de la VSA, et ce depuis plusieurs mois. Or, plutôt que de modifier la loi, Julie Mercier, directrice du comité de pilotage et de la DEPSA (direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes), chargée de piloter l’expérimentation au sein du ministère de l’intérieur, assumait récemment dans une interview au média spécialisé AEF vouloir « déverrouiller » le sujet dans la loi JOP 2030. Elle précise, concernant les cas d’usages, vouloir « regagner de la souplesse à travers les décrets ». En d’autres termes, il s’agirait d’étendre le périmètre de l’expérimentation par des actes administratifs du gouvernement, en dehors de tout débat parlementaire et de tout contrôle démocratique. Un tel élargissement du dispositif pourrait par exemple inclure la recherche et le suivi de personnes, comme cela est demandé par la SNCF et la RATP dans le rapport d’évaluation ou bien la reconnaissance de banderoles militantes tel que suggérée par le député LR Eric Pauget. On peut aussi s’attendre à ce que les récentes annonces de Bruno Retailleau et Gérald Darmanin concernant la reconnaissance faciale en temps réel soient poussées par voie d’amendement au cours de l’examen du projet de loi.L’hypocrisie comme moteur Il faut le rappeler : la vidéosurveillance algorithmique s’assimile à une surveillance de masse automatisée de l’espace public et à ce titre est totalement inacceptable. De plus, ces logiciels sont déployés de façon illégale dans de nombreuses villes de France, comme à Lille ou Saint-Denis, et le gouvernement lui-même l’a déployée de manière totalement illégale ces dernières années. Obsédé par l’objectif d’une légalisation de cette technologie, souhaitant conforter les industriels du secteur de la surveillance qui fournissent les algorithmes, le gouvernement enchaîne les justifications grossières pour mieux imposer la VSA. Pour les Jeux Olympiques de 2024, les mouvements de foule étaient brandis comme le prétexte ultime pour s’équiper de ces logiciels. Après les Jeux, l’inutilité et l’inefficacité de la VSA ont été écartés d’un revers de main, avec l’excuse selon laquelle leur intérêt était de toute façon mineur compte tenu du grand nombre de policiers sur le terrain. Désormais, pour l’édition de 2030, la ministre des sports Marie Barsacq explique très sérieusement que « là, on va être dans les territoires de montagnes. On n’aura pas autant de forces de l’ordre […] donc, la vidéo algorithmique pourra être beaucoup plus pertinente ». Sachant que l’expérimentation est prévue jusqu’en 2027 pour un évènement qui se tiendra en 2030… Logique on vous a dit !On pourrait se moquer du ridicule de ce texte et de ces stratégies si seulement la composition de l’Assemblée nationale ne rendait pas très probable l’adoption du texte. Dominée par l’extrême droite, obnubilée par les thèmes sécuritaires, il y a fort à parier que l’Assemblée laisse passer cet article sans encombre.Nous scruterons donc attentivement les avancées et débats dès que ce texte sera débattu dans l’hémycicle de l’Assemblée nationale à la rentrée. En attendant, nous devons continuer à faire valoir le refus populaire de ce projet de société. Cela passe notamment par l’échelon local : il ne faut pas lâcher les combats au niveau des villes et des villages contre les projets mortifères de vidéosurveillance, en particulier dans le contexte des élections municipales de 2026. Pour vous y aider n’hésitez pas à consulter notre brochure et nos ressources sur notre page de campagne. Aussi, pour soutenir ce travail vous pouvez nous faire un don !