L’Afrique produit environ sept millions de barils de pétrole brut par jour, mais ne raffine localement que 40 % des 4,3 millions de barils de produits pétroliers qu’elle consomme quotidiennement. C’est ce qu’a déclaré Aliko Dangote, président-directeur général de Dangote Industries Limited, le 22 juillet à Abuja, lors de la Conférence ouest-africaine sur les carburants raffinés.Comparant la situation africaine à celle de l’Europe et de l’Asie, où plus de 95 % des besoins en produits raffinés sont couverts localement, Dangote a estimé à 90 milliards de dollars par an les pertes subies par l’Afrique en raison de sa dépendance aux importations de carburants. « Nous produisons du brut en abondance, mais nous importons plus de 120 millions de tonnes de produits pétroliers raffinés chaque année. Cela revient à exporter des emplois et importer de la pauvreté », a-t-il souligné.Importer du carburant de qualité inférieureOrganisée conjointement par l’Autorité nigériane de régulation du secteur pétrolier en aval (NMDPRA) et S&P Global Commodity Insights, la conférence a réuni régulateurs, industriels et responsables politiques autour de la question de l’avenir énergétique du continent.Aliko Dangote a aussi averti contre les risques sanitaires et économiques liés à l’importation de carburants de qualité inférieure, souvent refusés en Europe ou en Amérique du Nord. Il a qualifié d’« économiquement illogique » le fait que l’Afrique exporte son pétrole brut pour ensuite réimporter des produits raffinés qu’elle pourrait produire elle-même, freinant ainsi la création d’emplois et les investissements industriels.Évoquant son propre projet de raffinerie, il a révélé que son groupe importe actuellement entre 9 et 10 millions de barils de brut par mois, principalement des États-Unis, en raison des difficultés à s’approvisionner en pétrole nigérian. Il a notamment dénoncé les pratiques des compagnies pétrolières internationales, accusées de bloquer l’accès à un approvisionnement fiable en brut local.« Il était raisonnable de penser qu’avec une production nationale de deux millions de barils par jour, obtenir du brut serait la moindre de nos préoccupations. Mais nous avions tort », a-t-il déclaré. En l’absence d’accords directs avec les producteurs nigérians, la raffinerie doit se tourner vers des sociétés de négoce internationales, qui revendent le brut à des prix majorés.En outre, Dangote a pointé les coûts excessifs liés au transport et à la logistique du brut, citant des frais portuaires qui représentent à eux seuls 40 % du coût total du fret. Il a dénoncé un système de double facturation aux points de chargement et de déchargement, défavorable par rapport à des concurrents opérant depuis des ports comme Lomé, où les frais sont moindres.« Cette situation est injuste et insoutenable », a-t-il conclu, appelant à une réforme en profondeur de la logistique pétrolière sur le continent.