Le rapport présenté par la Cour des comptes sur le pacte Dutreil, première évaluation du mécanisme créé il y a plus de vingt ans, révèle un manque à gagner fiscal culminant à 5,5 milliards d’euros en 2024, contre 800 millions estimés au budget.Le dispositif qui permet de transmettre des entreprises dans les familles pourrait être bouleversé. Une proposition qui inquiète les chefs d’entreprises déjà secoués par l’« hystérie fiscale » qui s’est emparé du législateur lors des échanges autour du budget. Un bilan économique mitigé et des propositions de réforme Présidée par Pierre Moscovici, la Cour indique que le dispositif offre un abattement de 75 % sur la valeur des entreprises transmises, sous conditions de conservation des titres. Le nombre de pactes a explosé, passant de 2 000 par an avant 2017 à plus de 5 000 en 2024. L’avantage est concentré : 65 % des bénéfices fiscaux profitent à 1 % des héritiers, soit 110 personnes avec un gain moyen de 30 millions d’euros.Les effets économiques sont « peu discernables » : le pacte favorise la pérennité du contrôle familial (30 % des entreprises changent de mains en cinq ans, contre 40 % sans le dispositif), mais sans impact sur les investissements ou l’emploi. En partenariat avec l’Institut des politiques publiques (IPP), la Cour évoque une « faible efficience » face au coût triplé depuis 2020.Pour y remédier, les magistrats préconisent un recentrage : exclure les biens non professionnels (actifs somptuaires), allonger les engagements de détention, supprimer l’avantage pour reventes rapides ou « family buy out », rendre l’abattement progressif et le réduire pour les secteurs réglementés (pharmacies, experts-comptables) ou non concurrentiels. Ces mesures diviseraient par deux la dépense fiscale, estime Moscovici, qui regrette les fuites et l’absence de réponse de Bercy.Le patronat dénonce de son côté des conclusions « partiales ». Le Medef et le METI (Mouvement des entreprises de taille intermédiaire) défendent dans un communiqué de presse un « trésor national » essentiel à la souveraineté, arguant que sans lui, des milliers d’ETI (entreprises de tailles intermédiaires) seraient vendues à l’étranger, aggravant la désindustrialisation.Le ministère de l’Économie salue l’analyse, mais temporise et défend le dispositif qui empêche les rachats étrangers. Si Bercy accepte des exclusions limitées dans le dispositif, il devrait refuser de toucher au barème.