Le collectif féministe #Noustoutes, en collaboration avec le média d’investigation Disclose, a rendu public le 15 novembre les résultats d’une enquête sur les violences sexuelles et sexistes imputées à des policiers et gendarmes. Réalisée entre le 24 juin et le 8 octobre, l’étude repose sur 207 témoignages recueillis via un court questionnaire de cinq questions.Parmi les personnes ayant répondu, 78,6 % se déclarent victimes directes, 9,7 % proches de victimes et 11,7 % témoins. Dans environ neuf cas sur dix, l’agresseur présumé est un homme. La majorité des faits dénoncés visent des agents de la police nationale (48,9 %), suivis de membres de la gendarmerie (18 %) et de la police municipale (15 %). Dans un cinquième des cas, le corps d’appartenance n’a pas été précisé.Bien que le collectif souligne que cette enquête est militante et n’a pas vocation à être représentative, son objectif est clair : « Mieux comprendre et combattre le phénomène systémique des violences policières. »Des violences souvent perpétrées lors de demandes d’aideAu-delà du nombre de témoignages, la nature même des circonstances rapportées interpelle. Selon les données recueillies, 42 % des faits de violences ont eu lieu alors que les victimes sollicitaient l’aide de la police ou de la gendarmerie. Plus précisément, 35 % des agressions seraient survenues lors du dépôt d’une plainte ou d’une main courante, souvent liées à des faits de violence conjugale ou familiale, et 11 % dans d’autres contextes administratifs.Sur l’ensemble des témoignages, 60 % concernent des violences sexuelles : 25 % relèvent de harcèlement sexuel, 20 % d’agressions sexuelles, 11 % de viols et 4 % d’exhibitions sexuelles. Ces actes visent fréquemment des personnes déjà en situation de vulnérabilité. Plus d’un tiers des victimes seraient racisées, précaires, transgenres, sans-papiers, handicapées ou issues d’autres minorités marginalisées.Certains récits évoquent également des pressions exercées par les agents pour décourager les dépôts de plainte, voire des stratégies d’intimidation. Des accusations de complicité avec des agresseurs connus, de manipulation ou de harcèlement moral ont également été formulées dans plusieurs cas.Une réponse institutionnelle limitée face à un phénomène ancienCe rapport s’inscrit dans un contexte déjà marqué par plusieurs enquêtes médiatiques. En juin 2025, Disclose avait déjà publié deux dossiers distincts recensant plus de 400 cas d’agressions sexuelles impliquant des forces de l’ordre depuis 2012. Selon des données relayées par France Info, seules 18 procédures ont été recensées côté police en 13 ans, contre 223 sanctions disciplinaires du côté de la gendarmerie ces trois dernières années.L’actualité récente renforce encore la gravité du sujet. Deux policiers du dépôt du tribunal de Bobigny sont actuellement accusés de viol par une femme retenue dans l’enceinte du tribunal. Face à cette affaire, le procureur de Bobigny, Éric Maté, a annoncé plusieurs mesures immédiates : présence obligatoire d’une fonctionnaire féminine lors des gardes de nuit, activation systématique des caméras-piétons dans les cellules et rénovation des installations.Pour Maëlle Noir, membre de la coordination nationale #Noustoutes, cette enquête révèle « un angle mort du mouvement #MeToo, celui des violences sexuelles policières ». Elle appelle à une reconnaissance légale de ces faits et à la mise en place d’un plan de politique publique féministe intégrant ce volet.