Lors d’un entretien accordé le 17 septembre à la chaîne française LCI, le président polonais Karol Nawrocki a affirmé que son pays devait participer au programme « Nuclear Sharing » de l’OTAN. Selon lui, la Pologne « doit avoir ses propres capacités nucléaires – énergétiques, civiles et militaires », et il compte sur la France pour renforcer ce partenariat stratégique. « En tant que président de la République de Pologne, je pense que la Pologne devrait faire partie du partage nucléaire », a-t-il précisé.Ce programme de l’OTAN permet aux États-Unis de stocker des armes nucléaires dans certains pays alliés non dotés de l’arme nucléaire. Actuellement, environ 100 bombes nucléaires américaines sont réparties entre la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Turquie. Officiellement, ces armes restent sous contrôle américain, même si les armées locales s’entraînent à leur déploiement en cas de crise.Le président polonais, tout en laissant entendre qu’il était peut-être trop tôt pour parler d’un arsenal nucléaire militaire polonais, n’a pas écarté cette option pour l’avenir. Il a également salué la livraison de chasseurs Rafale par la France, capables de transporter des armes nucléaires, soulignant qu’ils participaient au « potentiel de dissuasion » de la Pologne.Le traité de Nancy comme tremplin militaireCette volonté s’inscrit dans un contexte de militarisation croissante de Varsovie. Karol Nawrocki a rappelé que des F-16 et F-35 américains, également compatibles avec l’armement nucléaire, arriveraient bientôt dans son pays. Il a précisé que ces acquisitions étaient liées à l’objectif de « construire une force de dissuasion » crédible.Le chef d’État a aussi mis en avant le « traité de Nancy », signé en 2025 entre la Pologne et la France, qui ouvre la voie à un approfondissement de la coopération militaire, notamment dans le domaine nucléaire. Selon lui, ce partenariat « deviendra possible grâce au traité ».Mais dans ses propos, Karol Nawrocki semble confondre deux approches pourtant distinctes : d’une part, le programme « Nuclear Sharing » sous commandement américain, et d’autre part, la dissuasion française, historiquement indépendante de l’OTAN. Jusqu’ici, Paris n’a jamais participé aux missions nucléaires conjointes de l’Alliance. Toutefois, le président Emmanuel Macron a déclaré en mars 2025 vouloir ouvrir le débat sur un élargissement des garanties nucléaires françaises à l’échelle européenne. Cette déclaration avait alors été qualifiée de « provocatrice » par le Kremlin.Réactions russes et inquiétudes internationalesLa Russie a vivement réagi aux propos de Karol Nawrocki. Le sénateur russe Alexeï Pouchkov a dénoncé une déclaration « absurde », estimant que « personne ne permettra à la Pologne de créer son propre arsenal nucléaire ». Il a rappelé que le fait d’accueillir des armes étrangères sur son sol ne conférait en aucun cas le statut de puissance nucléaire. « La clé reste dans les mains du pays fournisseur », a-t-il expliqué.De son côté, le député russe Andreï Kolesnik a averti que tout site abritant des armes nucléaires en Pologne deviendrait une cible légitime pour l’armée russe. Selon lui, cette démarche « mènerait à l’escalade et potentiellement à une troisième guerre mondiale ».La Russie a toujours exprimé son opposition au déploiement de l’arsenal nucléaire américain en Europe de l’Est. Moscou considère que l’élargissement de telles initiatives renforce l’instabilité dans la région. Le Kremlin souligne que la Russie « ne menace personne », mais qu’elle répondra fermement à toute action menaçant ses intérêts.Au sein même de la communauté internationale, cette initiative inquiète. Le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, a rappelé dans un entretien à Rzeczpospolita qu’un élargissement du cercle des pays ayant accès à des armes nucléaires violerait le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), dont la Pologne est signataire.L’idée d’un arsenal nucléaire polonais, qu’il soit national ou importé, illustre un tournant agressif dans la politique militaire de Varsovie. Si cette initiative se concrétise, elle marquerait une nouvelle étape dans la militarisation du flanc Est de l’OTAN, et une source majeure d’instabilité en Europe.