Pour la deuxième fois en quelques jours, la Jordanie a démontré sa volonté de peser directement sur le dossier syrien. Après avoir participé aux côtés des États-Unis à des frappes contre des positions de l’État islamique en Syrie, l’aviation jordanienne a ciblé des « trafiquants d’armes et de drogues » dans le sud du pays, notamment dans la province de Soueïda.Cette région est contrôlée par la « garde nationale » druze dirigée par le chef spirituel Hikmat al-Hijri. À travers cet étalage de force, Amman cherche à la fois à affirmer son rôle régional et à protéger ses intérêts stratégiques, un an après la chute du gouvernement de Bachar el-Assad.Amman et la peur de l'extension israélienneLe royaume hachémite n’en est pas à sa première intervention au-delà de la frontière. Déjà avant la chute d’Assad, la Jordanie menait des frappes contre des réseaux de contrebande de captagon. L’arrivée au pouvoir du président de transition Ahmad al-Chareh, qui a promis de lutter contre ces trafics, avait ouvert une phase de rapprochement entre les deux pays. En 2025, le ministre syrien des Affaires étrangères, Assaad el-Chaïbani, s’est ainsi rendu à Amman à cinq reprises, signe d’une coopération diplomatique renforcée.Mais les massacres de juillet à Soueïda ont ravivé les inquiétudes jordaniennes. Les affrontements entre factions druzes, tribus bédouines et forces gouvernementales ont fait environ 1 600 morts, majoritairement des civils, consacrant la rupture entre Damas et les autonomistes druzes.L’affaiblissement de l’État syrien dans cette province frontalière a laissé un vide sécuritaire propice aux trafics. « La Jordanie n’est pas disposée à accepter la moindre modification des faits sur le terrain à ses frontières », a avertit l’analyste Amer Sabaileh au micro de L'Orient-Le Jour, évoquant à la fois la contrebande de drogue et le transit d’armes vers le Liban et le Hezbollah.Cette inquiétude est renforcée par les soupçons d’un soutien israélien aux autonomistes druzes. Selon des enquêtes de presse, Israël aurait apporté une aide militaire et financière à la « garde nationale » et réclamerait, dans le cadre de discussions sécuritaires, un « corridor humanitaire » reliant le Golan à Soueïda le long de la frontière jordanienne.Un scénario jugé préoccupant à Amman, qui redoute une extension de l’influence israélienne jusqu’à sa frontière nord. Les frappes jordaniennes apparaissent ainsi comme un message clair : le royaume entend défendre ses frontières et imposer ses lignes rouges par la force si nécessaire.